L’affaire des 20 du métro, l’appel

Mardi 13 avril se tiendra le procès en appel de « l’affaire des 20 du métro », arrêtés en mai 2016 pendant le mouvement contre la loi travail suite à une action collective de blocage des flux dans la ville. Ce mouvement a suscité à Rennes et ailleurs une forte mobilisation, des grèves, des actions en nombre, des manifestations offensives, des blocages économiques. De nombreuses AG se tiennent localement au sein de l’université occupée
de Rennes 2 puis à la maison du peuple, bâtiment réquisitionné à l’occasion de la manifestation du 1er mai, occupé par la suite. Émerge alors une volonté de s’organiser plus largement et de durcir la lutte ainsi qu’un dépassement à plusieurs niveaux des clivages habituels (sectoriels ou corporatistes). Cela se concrétise par une participation massive
bien au-delà des organisations, à un cortège offensif de la tête à la queue ; par des AG ouvertes à l’initiative de la majorité des actions qui seront portées par le mouvement à Rennes. En réaction, les arrestations préventives se multiplient, un lourd dispositif est mis en place pour encadrer la rue avec davantage de GAV, de poursuites et de blessures.
Face à cette répression, le mouvement se donne les moyens de se défendre dans la rue comme au tribunal pour solidifier la lutte.

Ce 19 mai résonne dans une ambiance de blocage des flux économique dans plusieurs villes de France, dans l’optique de durcir le rapport de force avec l’État et les patrons. A Rennes plusieurs actions de blocage sont pensées dans le mouvement, parmi elles un blocage de raffinerie à Vern-sur-Seiche ou encore une action d’auto-réduction du métro. De nombreuses personnes prévoient de désactiver les bornes de validation de tickets de plusieurs stations du métro. Les plus ponctuels sont arrêtés dans le feu de l’action, quelques-uns réussissent à échapper au gros dispositif policier en tapant un bon sprint.

Ceux qui deviendront « Les 20 du métro » sont donc placés en garde-à-vue. On découvre au fur et à mesure que ces interpellations font suite à l’enquête préliminaire d’une instruction débutée une semaine avant au moment de la venue à Rennes du ministre de l’Intérieur, Cazeneuve. Parachuté pour soutenir les autorités locales et les forces de l’ordre à l’occasion d’une manif (interdite) contre les violences policières. Simultanément des instructions sont ouvertes dans les autres foyers principaux du mouvement (Nantes et Paris), témoignant de la volonté de l’État de renforcer ses moyens répressifs face à un mouvement qui s’organise dans le temps.


Lors du procès du 6 juin 2019 en première instance, les 20 inculpés ont été reconnus coupables du délit d’association de malfaiteurs et de dégradations aggravées (constituées par la mise hors service de bornes de compostage de tickets, ouvertes avec des clés PTT et débranchées ou arrosées de mousse expansive) ainsi que des refus de prélèvement signalétique et ADN. Ils écopent de quatre mois de sursis et d’amendes.

Si aujourd’hui nous soutenons les camarades qui font appel c’est parce que cet appel s’inscrit dans la continuité d’une lutte qui a commencée au printemps 2016 quand des centaines de personnes se sont retrouvées dans des assemblées et des manifestations pour lutter contre une énième attaque visant nos conditions de vie. Si la répression cherche en permanence à isoler et diviser, la force dans cette affaire aura été de tenir le plus collectivement possible, ne pas parler face aux flics, aux juges d’instructions, ne pas se rendre aux convocations, ne pas leur donner les moyens de ficher par l’ADN ou les empreintes, faire perdre du temps et de la thune à l’État et surtout ne pas baisser la tête et continuer à s’organiser ! Construire une défense dans ces conditions est un combat ardu, il faut tenir pour avoir la peine la plus faible tout en refusant les rôles désignés de force par la magistrature : celle de victimes, d’innocents, de balances…

Lutter c ’est choisir de participer aux AG, aux comités, aux occupations, aux manifs, aux blocages et aux grèves qui sont autant d’espaces d’organisation du mouvement.
C’est dans ces espaces que les enjeux politiques et stratégiques du mouvement sont débattus.
C’est dans ces espaces que les pratiques se diffusent et sont partagées .
C’est dans ces espaces que la violence y trouve un sens politique et collectif.

Et c’est parce que ces espaces et formes d’organisation entre prolétaires sortent des cadres établis par l’Etat et ses « partenaires sociaux » qu’ils sont attaqués. Un processus de dissociation est systématiquement mis en place entre assemblées ouvertes contre intersyndicales ; manifestations sauvages contre déclarées ; actions organisées par une assemblée contre organisées par un syndicat corpo ; débordement de la base contre directives des centrales.

L’institution judiciaire élabore ses plus mauvais scénarios par la désignation de grands chefs, par l’isolement de quelques personnes qualifiées de «radicaux», organisées de façon «paramilitaire» en «association de malfaiteurs» pour légitimer son abattage quotidien. Voilà de quoi il s’agit dans cette affaire en particulier, où des juges ont tenté d’isoler 20 personnes et leur faire porter le mouvement, alors même que le préfet déclarait après une manifestation à Rennes « il y avait aujourd’hui 1200 casseurs ».

Mais on aurait tort de s’arrêter là, car la justice tourne à plein régime contre notre classe et à l’occasion pour un arbitrage entre les bourgeois. Tous les jours des procureurs décident de poursuivre des centaines de personnes qui sont envoyées en prison par des juges. C’est la guerre de classe qui se joue en permanence dans les tribunaux. Le corps judiciaire, quoi qu’il en dise lui même, n’est pas détaché dans cette guerre, il défend les conditions économiques existantes. Les capitalistes ont toujours cherché à nier, effacer, détruire toute forme d’organisation de prolétaires entre eux. Car c’est là que germe la remise en question de l’idéologie bourgeoise et du mode de production capitaliste. Le blabla juridique de spécialiste n’est qu’une énième arnaque de la bourgeoisie pour justifier une « honnête exploitation ».

Aujourd’hui, on le voit très clairement dans la gestion de la crise, après avoir décidé qu’un arrêt de la production coûtait beaucoup trop cher, les mesures ont été de « limiter la pandémie ».
Sans que la production ne s’arrête, c’est à dire en forçant les travailleurs à aller au taf malgré l’exposition massive à la contamination.
Sans qu’un soulèvement ait lieu, en interdisant les contacts et les rassemblements.


Derrière chaque personne partant en taule pour ne pas avoir obéi aux lois de l’état d’urgence sanitaire, c’est à dire à la mise forcée au travail en renonçant à toute vie sociale : il y a un juge, un proc, un avocat. Dans un sursaut d’humanisme ils se désoleront peut être : « mais que voulez-vous, ce n’est pas nous qui faisons les lois, nous ne faisons qu’appliquer la JUSTICE ».


Nous ne voulons ni justice ni paix, mais gagner la guerre de classe acharnée et sans relâche. Défendre notre classe c’est parer et rendre coup pour coup les attaques qui nous sont portées. Gagner la guerre de classe, c’est les détruire, voir l’Etat anéanti, les usines en ruines, les tribunaux calcinés, les commissariats en cendre et les prisons crevées.


Pas de lumière au bout de leur tunnel… Pour des lendemains qui déraillent !