Introduction

Le COVID-19, n’était, début janvier, qu’une étrange pneumonie apparue en Chine, qu’on regardait de loin. Aujourd’hui, même s’il est invisible, il est partout et on le redoute, confinés derrière nos fenêtres. Mais cette situation ne nous rend pas aveugles. Dans cette période trouble et aux perspectives encore bien opaques nous avons plusieurs intuitions mais aussi des certitudes. Tout d’abord qu’il ne faut surtout pas écouter les cris d’agonies d’un vendeur d’apocalypse à la sauvette. Le capitalisme n’est pas mort, cette pandémie n’est pas la révolution, il se relèvera. Ensuite qu’on ne peut pas non plus allumer les plein-phares dans le brouillard et crier au mensonge, à la manipulation. La pandémie est là, elle tue autour de nous et n’arrange pas les capitalistes en forçant la machine à s’arrêter. Elle doit repartir. Pour ce faire, l’État s’érige en gestionnaire providentiel de la crise économique, précipitée par la crise sanitaire. Cette restructuration du capitalisme n’entraînera dans son sillage qu’un accroissement de l’exploitation des prolétaires.

Nous ne sommes pas des spécialistes (épidémiologistes, économistes) et on ne veut pas l’être. Si l’on cherche à comprendre la situation, c’est qu’en tant que militants révolutionnaires on considère que la crise actuelle révèle certaines caractéristiques mortifères du capitalisme. Mortifères dans leur forme actuelle mais également dans sa forme restructurée. Il est important pour nous de comprendre les mécanismes des crises du capitalisme pour saisir comment la bourgeoisie va y faire face et de quelle manière nous allons le payer. Parce que dans sa restructuration, la bourgeoisie ne cherchera qu’à sauver ses profits en faisant trinquer le prolétariat. En somme nous devons voir venir les ajustements qu’elle va faire dans la machine pour se préparer à les combattre. Immanquablement, elle va aussi faire appel à des rouages qu’on ne que connaît trop bien, les co-gestionnaires que sont les associations, les syndicats et réformistes de tous bords qui permettent le maintien de l’exploitation capitaliste. Le seul horizon vers lequel nous mettons le cap est la révolution. Si l’on maintient ce cap c’est donc parce que partout dans le monde des luttes éclatent, grève dans les usines, mutineries dans les prisons, manifestations, émeutes et pillages, grève des loyers. Elles sont des escarmouches dans la guerre de classe. La pandémie ne tuera pas le capital, à nous de l’achever.

De ce constat découle de nouvelles questions auxquelles nous tentons ici d’apporter un début de réponse. En quoi il n’y a pas de catastrophe naturelle mais plutôt tout un environnement biologique, menaçant par certains aspects, dont la dangerosité pour l’homme est exacerbée par la production capitaliste ? Comment l’État, les capitalistes et les gestionnaires de tout bord appréhendent la situation et tentent de la résoudre par une restructuration du système ? Et ensuite, comment nous, en tant que révolutionnaires, nous nous saisissons du moment pour y faire face et le dépasser par la lutte de notre classe ?

Il n’y a pas de catastrophes naturelles

Si on s’interroge ici sur l’origine du virus et la propagation de la maladie, c’est bien parce que le fait pandémique est un fait social dans sa diffusion et son impact sur la production. Les lignes qui suivent ont pour but de vulgariser ce que nous avons compris ça et là sur les origines de ce virus et sa propagation. Nous avons lu l’article de la revue Chuang1 produite par des camarades et avons également essayé de comprendre les travaux de scientifiques se réclamant du marxisme, notamment Rob Wallace2.Nous ne souhaitons pas laisser aux bourgeois le monopole la compréhension de cette période. Il est essentiel pour nous de diffuser ce que l’on semble avoir compris de la situation en la replaçant dans un cadre politique.
Nous avons choisi de baser cette analyse sur les travaux de scientifiques qui se disent marxistes, néanmoins leurs outils d’analyses sont ceux de la classe dominante. La seule qui a les moyens matériels de se poser des questions scientifiques et d’y répondre. Les conclusions de Rob Wallace et de ses camarades, aussi politiques soient-elles sont donc issues du cadre de réflexion ouvert par la bourgeoisie.

« C’est que les scientifiques travaillent pour des laboratoires capitalistes, qui ont des cahiers de charge à remplir, l’impératif économique est toujours la base de leur science. Elle nous empêche de nous poser les questions fondamentales qui pourraient la remettre en cause, s’accaparant les moyens matériels de se les poser. Leurs questions, sont les questions qui rentrent dans le champ du profit. Ils cherchent en fonction d’une finalité prédéfinie à savoir faire perdurer le capitalisme, faire tourner la boutique. La science ne définit pas seulement les scénarios, mais aussi les contours du problème. »
OPIC – Affronter la science du capital3

Nous devons donc être prudents avec les réalités assénées par la science que nous manions ici, elle pose un cadre théorique qui n’est pas neutre et qui est intrinsèquement lié à la société capitaliste qui la produit. On se moque bien de savoir qui est le « patient zéro ». Que la cause, comme certains se sont évertués à le crier sur toutes les toiles, soit à chercher du côté d’un marché humide où des individus mangeraient des animaux sales ou étranges. Cela ne changera pas plus la donne pour nous que si ce virus avait été contracté en premier lieu par un archéologue mordu par une chauve souris dans une ruine Aztèque. Ce qui nous importe c’est bien comment le capitalisme transforme une maladie, chose tout à fait normale et naturelle chez des êtes vivants, en épidémie puis en pandémie. La réflexion scientifique permet de comprendre comment l’interface capitaliste rentre en jeu dans ce sinistre changement de dimension. Mais ne soyons pas dupes, après la révolution aussi il y aura des maladies et elles tueront.

De la forêt primaire aux hubs marchands, tout est connecté

Ville primaire, forêt bétonnée.

Certains voudraient opposer au capitalisme le plus avancé, une nature primaire, vierge et encore préservée. L’épidémie actuelle nous montre tout l’inverse. Dans son intarissable faim, manifestée par la production, le capitalisme a déjà envahi l’ensemble du vivant, du naturel et l’a imbriqué dans son fonctionnement systémique. C’est un réseau total, qui a étendu ses ramifications partout. Alors si les scientifiques estiment que la souche du virus COVID-19 est à chercher du côté des zones les plus reculées de la planète, ce sont aussi les zones les plus reculées du capitalisme. Cette partie « sauvage » qui ne l’est plus depuis longtemps mais qu’on peut plutôt qualifier « d’arrière-pays ». Là qu’une partie du vivant joue sa partition, vie et évolue, tue et se fait tuer. Ce qui est à souligner c’est que ces zones ne devraient théoriquement pas rentrer en contact de manière aussi directe et violente qu’elles le font aujourd’hui avec le reste du vivant. Cette violence c’est la déforestation ou la chasse par exemple. Des processus qui poussent des espèces animales à quitter leur habitat naturel, celui où elles vivent, pour se retrancher toujours plus loin des espaces transformés par le capitalisme. Elles pénètrent alors son arrière-pays et entrent en contact et souvent en friction avec l’écosystème présent, différent du précédent et où elles doivent apprendre à survivre. Ces différences sont biologiques, elles y rencontrent de nouvelles proies, de nouveaux prédateurs. Mais elles sont aussi micro-biologiques car ces espèces contractent de nouvelles maladies, fruits de virus que leur système immunitaire ne connaissait pas. Ils peuvent leur être fatal ou non. Mais c’est bien le système capitaliste qui transforme un fait biologique en fait social, une maladie en pandémie. Il le fait par la mise en contact de ces virus avec son réseau international de production et de flux en tous genres. Une interface ultra-connectée qui relie par la production, les échanges marchands, le tourisme où la migration des travailleurs l’ensemble des habitants de la planète. L’humanité toute entière est connectée, reliée par le réseau de production et donc en cas d’infection de celui-ci, potentiellement soumise à la contagion. Plusieurs possibilités de transmission émergent.

La première est celle qui a nourri tous les fantasmes sur l’apparition de cette maladie. Fantasmes teintés de sinophobie que nos camarades de la revue Chuang dénoncent comme preuves « du bellicisme et de l’orientalisme évidents qui caractérisent les reportages sur la Chine ». Concrètement, l’idée que les Chinois mangeraient chauve-souris, serpents, pangolins et autres mets étranges, car rares. Derrière cette affirmation se cache une réalité, certaines espèces sauvages se retrouvent sur les fourchettes avant même d’avoir été identifiées scientifiquement. Toutes sont de plus en plus traitées comme des denrées alimentaires et non comme des espèces biologiques à part entière. La nature étant dépouillée lieu par lieu, espèce par espèce, ce qui reste devient d’autant plus précieux. La rareté leur confère une valeur marchande et donc un intérêt pour certains, un marché pour d’autres. Que ce soit pour leur consommation, leur usage médical ou pour toute autres fonctions culturelles par exemple, ces espèces devenues des « biens sauvages » sont recherchées, chassées et mises en vente. Ce qui les intègre directement à de nouvelles chaînes mondiales de marchandises et ouvre la porte à de potentielles contaminations par bonds zoonotiques directs, c’est-à-dire de l’animal à l’Homme. Schématiquement, de la forêt primaire à l’assiette.

Une seconde possibilité, qui au fur et mesure de la recherche du patient zéro devient plus plausible, est l’interface entre les différentes ères géographiques et sociales du réseau capitaliste. En étendant toujours plus loin les zones urbaines, celles-ci entrent en connexion avec les zones rurales et souvent les poussent plus loin vers la forêt. Leur bétail, tout comme les habitants de ces zones rurales, sont alors en contact avec des espèces potentiellement porteuses d’un nouveau virus. Accentuant encore davantage de possibles contaminations par bond zoonotique. Et même si ce sont des ruraux, ils sont, du fait de l’extension capitaliste, en contact avec les premières exploitations périurbaines qui elles-mêmes sont collées aux complexes industriels, connectés au reste du monde. Sinistre jeu de dominos. Robert Wallace4 pointe du doigt que les « maladies sont une question de systèmes de production dans le temps, l’espace et le monde, et non pas seulement d’acteurs spécifiques entre lesquels on peut jongler. » Chuang en profite pour dénoncer alors l’hypocrisie qui en découle : « Ces populations deviennent alors les doublures de la colère des organisations écologistes mondiales, qui les décrivent comme des “braconniers” et des “bûcherons illégaux” responsables de la déforestation et de la destruction écologique qui les ont poussés à faire ce commerce. » La contamination le long du réseau de production et de fait de l’ensemble des individus qui y sont tous connectés n’est donc évidemment pas la faute des petits producteurs ruraux et nouvellement urbanisés. Ils ne sont que le fer de la lance qui s’enfonce dans la forêt et c’est la main bien visible du marché qui en tient fermement le manche.

Il n’y a aucune forêt primaire, naturelle ou vierge. Il n’y a qu’un monde capitaliste plus ou moins développé. Dans son arrière pays se développe, naturellement, un écosystème qui peut lui être dangereux. Lui aussi directement lié et intégré au marché mondial. Le capitalisme n’a pas de périphérie naturelle aux frontières hermétiques, il est total. Tout en son sein est relié par un réseau étroitement entrelacé d’interfaces liant différentes ères géographiques, aux différents degrés de développement capitalistique. C’est ce qui permet à des souches virales dites « sauvages » de devenir des pandémies mondiales.

Mad Max Farm Road

Les big farms, la création industrielle des virus

Mais il ne s’agit ici que du cas récent du COVID-19, d’autres maladies se sont développées, et continuent de le faire, dans un cadre purement industriel. La grippe AH1N1 ou la peste porcine africaine, autres mortifères souvenirs des années 2000, sont des exemples récents de pandémies ayant bouillonné dans ce que Wallace qualifie de « cocotte minute évolutive de l’agriculture et de l’urbanisation capitalistes ». Dans ces élevages aux dimensions pharaoniques, où un bétail cloné se retrouve cloîtré dans de petites cages, où les systèmes immunitaires sont identiques, où les animaux ingurgitent la même bouffe transformée pour coûter moins cher en engraissant au maximum quitte à créer de nouvelles maladies (on se souvient de la crise de la vache folle provoquée par l’ingurgitation de farines animales fabriquées avec des cadavres d’animaux d’élevage), où les animaux sont bourrés de médicaments pour compenser leur faiblesse immunitaire, où tous finissent par attraper le même virus et où tous finissent dans les mêmes assiettes, celles des prolétaires. Ce qui reste de Darwin doit se retourner dans sa tombe, ces bétaillères géantes sont la chambre mortuaire de sa théorie de la sélection naturelle. Il y règne une bio-universalité d’animaux dont les caractéristiques de nombreuses espèces ont été affaiblies voire gommées dans une sélection pour obtenir des nouveaux spécimens répondant au mieux aux attentes du marché alimentaire capitaliste (plus gros, plus gras, à croissance accélérée, etc). L’agro-industrie est le milieu idéal dans lequel des virus, toujours plus dévastateurs, naissent, se transforment, font des bonds zoonotiques, puis sont véhiculés de manière agressive dans la population humaine par les chaînes de production de l’agro-alimentaire. Si en tant que prolétaires nous sommes alors les premiers touchés par ces virus apparus en milieu industriel c’est bien parce qu’ils touchent volailles et porcs, prolétariat des animaux, ceux que nous pouvons encore nous payer. Le bœuf de Kobe, lui, continue d’écouter de l’opéra, de se faire masser quotidiennement et de brouter de l’herbe verte et grasse dans son vaste pré avant d’être dégusté sans risque par les bourgeois. Les rapports de classe et de production se manifestent aussi dans la dangerosité de ce que nous mangeons chaque jour pour recouvrir notre force de travail, exploitée par la bourgeoisie.

Hong-Kong, immeubles et jungle urbaine.

Les conditions socio-économiques, facteur aggravant

Si le fait pandémique trouve sa source dans les réseaux de production, le danger réside également dans la connectivité sans précédent de l’humanité. En 2009, la grippe H1N1 a traversé l’océan Pacifique en neuf jours, dépassant de plusieurs mois les prévisions des modèles les plus sophistiqués du réseau mondial de transport. Les données des compagnies aériennes montrent que les voyages en Chine ont été multipliés par dix depuis l’épidémie de SRAS de 2003. L’empire du milieu est actuellement une plaque tournante de la production mondiale et de l’emploi industriel de masse. Ce qui conduit, par intermédiaire humain ou animal, à un déplacement et une diffusion massive du virus. En effet, la circulation rapide d’un virus dans la mondialisation stimule sa mutation et accroît donc sa dangerosité. Mais sa prolifération et sa létalité sont encore renforcées par les conditions sociales du milieu où il se développe.

Entre 1918 et 1919, la grippe espagnole a fait de 20 à 50, voire jusqu’à 100 millions de morts selon certaines réévaluations récentes. Soit jusqu’à cinq fois plus que la grande guerre qui venait de prendre fin et dont le bilan humain s’élevait lui à 20 millions de décès. Ce bilan de mortalité extrême n’est pas dû à une souche de virus plus meurtrière mais bien à la situation sociale au sortir de la guerre. Surnommée la « mère de toutes les pandémies » ou encore « le premier des fléaux du capitalisme » elle serait née dans un des premiers élevages de porcs de l’ère agro-industrielle, infecté par une souche aviaire avant de faire son fameux bond zoonotique et d’être transmise à l’Homme. Ensuite contractée par des soldats américains qui emmenaient dans leurs paquetage le fameux « American way of life »… et en eux un discret mais dévastateur virus. En 1918 l’Europe est à feu et à sang, une grande partie des villes ont été bombardées. Il règne dans ces zones urbaines ou péri-urbaines une surpopulation, prolétaire cela va sans dire, aux conditions de vie insalubres et atteinte par une malnutrition généralisée. Il a ainsi été étudié que la mortalité due à cette grippe varie énormément, selon les régions et pays qu’elle touche, d’une échelle allant de 1 à 30. L’étude montre aussi que d’un endroit à l’autre, 10 % de revenu moyen en plus par habitant correspond une baisse de 10 % de la mortalité. La pauvreté tue, particulièrement en période épidémique.

Un siècle plus tard une pandémie menace à nouveau la population mondiale. Dans les médias, sur les réseaux sociaux ou dans la bouche des gouvernants il existe un faux discours d’équité face à la maladie. Comme si pauvres et riches, prolétaires et bourgeois formaient alors une Humanité qui ne serait plus transportée par la lutte des classes mais mise en péril toute entière et de manière égalitaire par un agent extérieur, la maladie.

La pandémie est quant à elle un fait social, elle est liée au marché et aux flux. Les zones dans le monde les plus touchées sont en premier lieu celles où il y a le plus d’échanges. Là où se déroule le gros de l’économie mondiale (Chine, USA, Europe de l’Ouest, Taïwan, Singapour ou encore en Corée du Sud) dans ces hubs où il y a le plus grand nombre d’échanges et de rapports économiques au sens large (travail, marchandises, tourisme etc.). La pandémie se diffuse par le marché parce que le marché implique que des biens et des personnes se croisent sans arrêt pour permettre la production constante de profits. Les prolétaires sont donc logiquement les premiers concernés par l’aspect mortel de ce virus mais en subissent aussi prioritairement la gestion étatique et les répercussions économiques.

De la crise et sa gestion

La romantisation de la quarantaine est un privilège de classe

Durant cette crise sanitaire, à l’heure où nous écrivons, la moitié de l’humanité est donc en « semi-liberté », une grande première dans l’Histoire. On doit désormais rester chez soi coûte que coûte et limiter les sorties au strict minimum. On ne peut plus se déplacer d’une ville à l’autre, se rassembler est devenu une activité interdite et désormais toutes les relations sociales légales se limitent à trois endroits : la maison, le lieu de travail et les lieux de consommation.

L’encadrement de nos vies, de nos déplacements, en plus du travail, par les nouvelles mesures sécuritaires (notamment administratives) s’affinent et se durcissent, renforcé par les affects les plus réactionnaires : aller baver sur ceux qui ne respecteraient pas le confinement et mettraient en danger tout le monde. Pratique de l’auto-contrôle et nombrilisme exacerbé pour tous ceux qui se payent le luxe d’un confinement comme ressourcement. Les débats sur les plateaux TV sont insultant et désespérant. Entre les discours larmoyant et la diatribe guerrière, des artistes connus montrent qu’ils n’ont vraiment aucun talent sans la myriade de techniciens qui les entourent habituellement. Dans les boites à la production dite « essentiel », on multiplie les consignes sur la santé, sans en donné les moyens, tout en réprimant les travailleurs qui ne les respecteraient pas. La police dans sa mission de maintien de l’ordre réprime ceux dont la raison de sortie est jugée inacceptable, les prisonniers sont rationnés et privés de parloir, on promet des primes exceptionnelles aux travailleurs tout en leur sucrant leurs vacances d’été. La gauche « radicale » parle de trêve et se victimise, promettant qu’après « ça vas péter ». Mais la réalité est autre que cette image d’Épinal de film télérama : forcés à bosser, enfermés avec une « famille de merde », entaulés, à la rue, des milliards de gens voient des conditions de vie déjà difficiles se resserrer, il n’y a pas de « trêve », la guerre des classes ne s’arrêtera que si nous la gagnons.

Le capitalisme, politique de la gestion

« Le besoin croissant de contrôle des populations est, par définition, une obsession étatique, mais elle n’est pas le moteur de l’histoire, ni la raison d’être du confinement. Peu bénéfique économiquement, cette mesure est la conséquence des limites du système de santé tel qu’il est aujourd’hui (c’est-à-dire tel qu’il a été démantelé). Et c’est une contradiction de la configuration actuelle du capitalisme. »

Tristan Leoni et Céline Alkamar Quoi qu’il en coûte. Le virus, l’Etat et nous1

D’après différents commentateurs, le gouvernement Chinois se pose aujourd’hui comme modèle de gestion de crise. Son gouvernement aurait retardé la diffusion des contaminations en limitant drastiquement les libertés individuelles, se qui montrerai qu’un gouvernement autoritaire est bien plus efficace que les systèmes démocratiques. Les gouvernants sortent leurs cartes, injectent du pognon, font des alliances, montrent qu’ils sont capables en quelques jours de faire enfermer chez eux des millions de leurs citoyens et leur ôter les libertés d’habitude nécessaires à la paix sociale. Dans certain pays il y a une impossibilité économique de mettre en place le confinement car la centralité du travail informelle et journalier laisserait des travailleurs confinés sans ressources ; alors même que de nombreux États n’ont pas les moyens de débloquer des aides. Partout le virus COVID-19 décime des milliers de gens, forçant l’arrêt d’une grande partie de la production et entraînant une déstabilisation des marchés. La classe dirigeante (les capitalistes exerçant le pouvoir étatique) disposant d’une palette composée des meilleurs scientifiques, créatifs, économistes, historiens, techniciens et la possibilité d’emprunter à tout va, se débat avec le réel aussi efficacement qu’un insecte collé à un attrape-mouche, incapable de résoudre les contradictions du système dont ils sont les agents.

Le Capital est un système qui ne tournent pas pour sauver des vie mais pour se sauver lui même, voilà se que fais apparaître la situation actuel. Le confinement est une catastrophe économique. L’arrêt du travail, les logiques de flux tendus, la baisse de la consommation, l’organisation mondiale de la production, la fermeture des frontières, met les capitalistes dans la difficulté et amène logiquement à une crise mondiale. C’est finalement toujours la même stratégie que mettent en place les capitalistes, que cela soit un mouvement gilets jaunes, une pandémie ou l’explosion d’une centrale nucléaire. Il s’agit toujours de gagner du temps, ne pas perdre le contrôle et relancer au plus vite l’économie en en tirant un maximum d’avantage. Aujourd’hui il s’agit de remettre tout le monde au plus vite au boulot sans que le nombre de mort ai trop d’impact sur la réticence des travailleursà se rendre dans les boites.

Le ralentissement mondial de la production est une grosse partie du problème des capitalistes : comment faire repartir l’économie en amortissant les effets de la crise. Évitant ainsi d’affaiblir les structures de l’Etat et du Capital ce qui pourrait permettre au prolétariat de s’engouffrer sur les chemins de la Révolution.

Mécanismes de la crise

On voit trop souvent la crise comme un « moment » où le capitalisme ne fonctionne plus, comme si on était arrivé à la fin d’un modèle ou d’une époque et que pendant l’avant-crise, le capitalisme fonctionnait « bien ». Les crises ne sont que des moments précis qui font apparaître des déséquilibres latents de manière explosive. Elles ponctuent sa temporalité dans la sphère financière comme dans la sphère de la production. S’intéresser aux mécanismes de la crise est essentiel, pas tant pour prétendre saisir tous les mécanismes économiques mais plutôt là pour envisager les conséquences que ça va avoir sur nos gueules au moment où les capitalistes voudront « résoudre » la crise. C’est à dire nous exploiter toujours un peu plus. On est donc obligé de faire un détour par l’économie, pour comprendre la « crise » qui s’annonce.

Pause repas dans le capitalisme – Wuhan mars 2020

L’économie d’aujourd’hui, c’est-à-dire mondialisée, financiarisée, avec des échanges libéralisés au possible, fonctionne de manière systémique et la crise en est le mécanisme le plus terrifiant. Rien n’est autonome, tout est lié : les banques échangent entre elles, les marchés financiers sont connectés et chaque pays est dépendant d’un autre par sa production. Un problème localisé peut alors entraîner des conséquences démentielles dans le monde entier. Le COVID-19 en est l’illustration : un virus cantonné au départ à une ville chinoise peut finalement se propager dans le monde entier et entraîner avec lui une crise économique colossale, par la réaction que les États ont de cette crise.

Le déclencheur de la crise qui s’annonce touche donc la sphère de la production : c’est celui d’un arrêt général de l’activité en raison d’une pandémie inédite. Ce n’est donc pour le moment pas une crise financière c’est d’abord une crise de la production : moins de force de travail disponible, ça veut dire moins de marchandises/services ; moins d’échanges, ça signifie moins de profit pour les patrons. En 2008, le déclencheur de la crise est différent, c’était la spéculation de certaines banques américaines dans l’immobilier. Crise partie de prêts hypothécaires à bas coûts sur des maisons peu chères en vue d’accélérer l’accession à la propriété pour des familles prols américaines, les Subprimes étaient une bulle spéculative qui a fini par exploser parce qu’à force de tirer la corde (taux d’intérêt très bas, conditions de remboursement pas garanties, construction immobilière vitesse grand V) elle finit par se briser. On connaît la suite : les prols ne peuvent plus rembourser leurs prêts de façon massive, les banques s’endettent, l’État sauve les banques, krach boursier, les investisseurs flippent en retour, récession, mesures d’austérité décidées par les gouvernements du monde entier.

La crise de 2008 a donc d’abord été une crise spéculative – c’est-à-dire venant de l’activité d’une poignée de traders, d’investisseurs, de banquiers, cherchant à augmenter leur revenus via toutes sortes d’opérations financières, ici des prêts – et ce n’est qu’après qu’elle a entraîné toute l’économie dans son sillage, affectant massivement la sphère de la production et donc nos conditions de travail. Mais le déclencheur de la crise a donc beau être différent, ça tapera pareil sur nos gueules sinon pire. Les causes de la crise peuvent venir de la sphère spéculative, elles affecteront forcément l’économie « réelle ». Contre une gauche qui fait de la finance une sphère déconnectée de celle de la production, comme si les capitaux ou les actions sur lesquels les traders spéculent étaient autonomes de la sphère du travail: derrière leur business, c’est notre force de travail, nos vies qui font tourner la machine spéculative. Notre ennemi, ce n’est donc pas la finance, c’est le capitalisme dans son ensemble, finance comprise.

Et on retrouve aujourd’hui l’aspect systémique qu’avait la crise de 2008. Vous pouvez n’avoir rien en commun avec les banques américaines à l’origine des Subprimes en 2008, ne pas avoir de prêts à rembourser ou de comptes chez eux, ça ne change pas que leur business aura plus tard des conséquences à l’autre bout du monde sur nos conditions matérielles d’existence ; c’est ça la logique de la crise qu’il faut comprendre. 2008 est lourd d’enseignements pour montrer à quel point il n’y a pas de « solution » à la crise et que les États et les capitalistes de manière générale, quand ils cherchent à « gérer » la crise, sont dépassés et ne font qu’augmenter la pression au travail, augmenter la concurrence entre prols, bref à renforcer l’exploitation, qu’il y ait du taff (relance) ou pas (récession).

Déclencheurs différents, finalité toujours aussi pourrie pour nous sinon pire. Le fait qu’on assiste à une crise de la production et non une crise spéculative amène quand même une spécificité de la stratégie de l’État dans sa gestion de la crise. Contrairement à 2008 où l’État avait renfloué après-coup les banques endettées, aujourd’hui il intervient directement dans la production. Et pour sauver les meubles, il accepte des niveaux d’endettement incroyables pourvu qu’on sauve les entreprises, les patrons et le secteur privé. Il accepte de payer lui-même les salaires et les factures des entreprises. Mais en réalité ce n’est pas vraiment lui qui « paye », ce sera la banque centrale européenne qui rachètera les surplus de dettes françaises mais aussi italiennes, allemandes par la suite. Le gouvernement choisit aussi certains secteurs qu’il aurait tort d’ignorer, en donnant des aides (Air France par exemple). Le timing est serré et le gouvernement joue sa légitimité : prêt à tout pour sauver le patronat et les entreprises. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que tous ces milliards de dette artificielle mis sur le dos de « la banque des banques », personne ne sait vraiment ce que ça va devenir après ni les conséquences que ça aura sur l’économie réelle…

« Tel un personnage de dessin animé avançant au-dessus du vide, le capitalisme financier poursuit sur sa lancée alors même que sa base productive vient à disparaître sous ses pieds. À un moment ou à un autre, cependant, le personnage prend conscience de l’abîme qui s’est ouvert sous lui, et, comme pour le capitalisme, c’est précisément cette prise de conscience qui précipite sa chute réelle… »

Léon de Mattis,

Corona Capital parti 1 : Crise épidémique et crise du capital.2

Nous sommes donc au bord du précipice. La crise va effriter le système économique, des parties entières vont se détacher et tomber. Seuls, par entreprise, par famille, par nationalité, par empire industriel, les capitalistes vont essayer de tirer leur épingle du jeu. La crise va rebattre des cartes. Des très riches vont être ruinés, des petits patrons vont devenir très riches. Mais petits ou grands, ils ont les mêmes intérêts : saisir les opportunités pour faire du profit, accumuler de la richesse. Ils ont les mêmes problématiques : Comment avoir la marchandise la moins chère ? Comment avoir la main d’œuvre la moins chère ? Comment dégager le plus de profit ? C’est ce qu’on appelle la classe bourgeoise : les capitalistes.

Nous, les travailleurs, nous n’avons pas les mêmes intérêts. Nous travaillons pour gagner un salaire, pour pouvoir subvenir à nos besoins. Nous avons un rôle de producteur pourtant nous en tirons aucun profit, Nous avons pas choisi de jouer mais on est obligé de participer. Nous, notre intérêt c’est de détruire à la fois le jeu et les rôles qui sont distribués.

Le rôle de l’État : nous mettre au travail !

« Macron ne veut rien lâcher pour une raison simple : il a dans son dos le mur des riches.  Un mur de film d’horreur, bourré de dents, de mâchoires acérées qui claquent… Car un peu partout sur ce globe, c’est leur place que les bourges défendent.  S’en prendre à leur profit, c’est accélérer encore l’arrivée de la crise économique,  dans laquelle toutes les ruines sont possibles y compris celles des plus gros.  Mais le capitalisme, c’est une bête qu’on ne peut pas se contenter de blesser.  Si on ne l’achève pas, elle viendra nous le faire comprendre. Pensons à la crise mondiale de 2008 et la cure d’austérité qui l’a suivie… »

Citation du journal Jaune 2 écrie pendant le mouvement Gilets Jaunes, diffusé dans les manif et sur les ronds points.3

Comme d’hab: se tuer au travail

Pour prendre partie pour le prolétariat – comme seule force capable de détruire le capitalisme – il faut définir ses ennemis de classe. Non pas par une identité mais par leur rôle dans la production et par leurs intérêts à ce que la capitalisme et l’État restent en place. Les représentants et les portes paroles de la large classe des possédants tiennent une banderole commune : « L’union sacrée » qui gère la société pour « l’intérêt commun ». C’est à dire leur alliance pour leur propre intérêt de classe. Et ce n’est pas une question de pourcentage. Notre force n’est pas le nombre mais le fait que nous produisons tout, que nous n’en tirons aucun profit et que nous avons donc trop peu à perdre. La force des capitalistes, en plus de posséder les moyens de production, ils possèdent les structures de gestions qu’est l’Etat (police, justice, prison, armée) ; ils ont donc TOUT à perdre. Ils ne lâcheront jamais le pouvoir. Nous ne leur laisserons pas le choix, nous prendrons tous.

Bien qu’ils aient des intérêts communs, les bourgeois ne sont pas du tout unis et sont en désaccord sur bien des points. Il y a dans la dictature du marché une concurrence féroce, ils sont prêt à tout pour être devant. Les désaccords politiques quant à la gestion sont mis en spectacle régulièrement par les élections, par des débats sur des plateaux TV, une sorte d’octogone publique. Faut-il fermer les frontières autour de la France ou autour de l’Europe ? Faut-il investir dans la santé ou dans les prisons ? Faut-il construire des centrales nucléaires ou des champs d’éoliennes ? A quel point faut t-il redistribuer : un peu, beaucoup, passionnément, à la folie ? Chaque famille politique défend sa couleur : vert, jaune, rouge, brun, rose, etc. selon ses intérêts. Qu’importe puisque c’est toujours et encore la sauvegarde du capitalisme qui est en jeu…

On peut nous rétorquer qu’en France comme dans d’autres pays, l’État essaie d’aider au mieu les prolétaires. On peut alors citer la mise en place du chômage technique/partiel, son extension aux intérimaires, l’augmentation du RSA et des APL pour les familles qui les touchent… Si ces mesures n’empêchent pas une perte importante de revenus et laissent de côté encore bien des prolétaires (vacataires, travail informel, etc.), il semble crucial de garder en tête leur rôle de mise sous perfusion de l’économie nationale. Il ne s’agit pas de gestes de « solidarité » mais bien d’essayer de limiter l’ampleur de la crise. Les États qui en ont les possibilités soutiennent l’offre (les entreprises) et aussi la demande (les travailleurs-consommateurs). Cette posture a également une dimension de contrôle de la reproduction de la force de travail et de soupape de sécurité face au risque de soulèvements prolétaires.

Les politiques d’aides sociales : soutenir la demande et la reproduction de la force de travail face à la crise

L’arrêt de l’approvisionnement ou de l’activité totale dû au confinement planétaire a des coûts économiques forts qui ne tarderont guère à relancer la crise en place depuis 2008. Chaque État selon ses moyens et la structure de son économie tente de limiter la casse que ce soit par le choix de l’ « immunité collective », la limitation du confinement, l’injonction à rester ou retourner travailler, etc. Une course entre les États et entreprises capitalistes est lancée. La question est qui sortira son épingle du jeu à la sortie ou qui laissera des plumes. C’est par exemple tout l’enjeu d’avoir, ou non, des stocks de production nationaux importants prêts à inonder des marchés sous-alimentés à la fin du confinement.

Or si le confinement impacte massivement la production faisant baisser l’offre sur le marché, la demande a pris elle aussi une grande claque dans la gueule. Les prolétaires ont perdu des parties importantes de leurs salaires voire pour certains tout. Le risque d’une chute libre de la consommation était alors imminent et de fait cette consommation a subi une baisse importante notamment dans les secteurs estimés « non essentiels » (tourisme, hôtellerie-restauration, culture, etc.). Des États ont alors déployé différentes stratégies de soutien à la demande pour limiter les pertes de l’économie nationale : chèque de 1000$ par ménage aux USA, réduction des loyers en Belgique, mise en place du chômage technique/partiel et de hausse d’aides sociales (RSA, APL) pour les familles en France, etc. L’exemple des supermarchés est ainsi intéressant. Si des personnes peuvent être verbalisées pour des achats considérés comme « non essentiels » (teinture, coca cola, etc.), on remarque que tous ces produits « secondaires » sont bien en vente et réapprovisionnés sans difficulté. L’idée est bien que l’on continue à les acheter pour alimenter les entreprises concernées, à condition de mélanger ces produits à ceux « essentiels ».

Cette place du prolétaire dans la consommation est notamment à relier à la stratégie fordiste et ses évolutions. En parallèle de la systématisation de l’emploi de la chaîne, une des innovations de Ford a notamment été d’élever le salaire des ouvriers de ses usines en incitant d’autres patrons à suivre son exemple. L’idée était simple, il s’agissait que l’ouvrier ait les moyens d’acheter les modèles de voitures dites « populaires », soit bas de gamme, pour augmenter la demande et donc les profits. Au-delà de reproduire sa force de travail, l’ouvrier devait être capable de participer à la consommation de biens non primaires pour développer les débouchés des marchés.

Une politique de relance de la consommation dans ce contexte est également un outil de sauvegarde de la force de travail et de sa reproduction. En effet pour les capitalistes, laisser dépérir une part trop importante des prolétaires peut être coûteux, cela implique pour eux de se retrouver avec une main d’œuvre de moins bonne qualité par la suite car sous-alimentée, ayant développé des problèmes de santé, etc. Et quand il s’agit d’un prolétariat avec un niveau de qualification relativement élevé (massification scolaire, etc.), la perte sur investissement initial est par conséquent plus lourde. Mettre en place quand c’est possible un système d’assistance sociale est depuis longtemps pour les États capitalistes un moyen d’entretenir la force de travail selon les attentes de leurs marchés.

La naissance de l’assistance sociale au début du XXème siècle dans plusieurs États capitalistes (Chili, France, etc.) se fait d’ailleurs pour faire face à une détérioration physique du prolétariat dans le contexte de l’industrialisation (travail et mortalité infantile par exemple) et aux mouvements ouvriers révolutionnaires qui se développent. L’assistance sociale est alors avant tout un moyen de garantir d’avoir une main d’œuvre en bonne forme physique et mobilisable pour l’armée tout en pénétrant dans les foyers ouvriers pour mieux les contrôler.

Lorsque la bourgeoisie se retrouve confrontée à des mouvements forts dans le prolétariat, comme depuis plus d’un an du Chili à Hong Kong en passant par le Liban ou l’Irak. Elle réfléchit à comment les contrôler pour les étouffer ou à minima les canaliser suffisamment pour neutraliser la menace. Dans ce contexte, le déploiement d’aides apparaît bien comme un moyen de contenir également la « colère sociale » et d’amoindrir un éventuel mouvement social dur à la fin du confinement. Lâcher de la thune pour ne pas laisser se raviver les braises encore brûlantes laissées par les prolétaires du monde entier.

Guerre de classe

Macron, dans son discour du 13 avril peine à cacher que l’ouverture des écoles le 11 mai est importante uniquement pour que les salariés retournent au travail. Les centrales syndicales commencent déjà à négocier la reprise du travail et l’austérité. Les gestionnaires de la misère réorganisent le travail gratuit. Les bourgeois bobos, se planquent dans leurs eco-bunkers et croient pouvoir vivre au delà du capitalisme. Les petits patrons ont peur de devenir des salariés comme nous. Répression et remise au travail. Voilà la gestion de la crise partout dans le monde. Il n’y a pas de bonne gestion de la crise, comme il n’y a pas de bonne gestion de l’exploitation. Il y a des mouvements de classe, des changements de rapport de force. C’est la guerre de classe.

Pas de trêve dans la guerre des classes

Le COVID a interrompu brutalement les mouvements sociaux qui traversaient le monde depuis plus d’un an. Si ces mouvements ont eu des déclencheurs distincts, la simultanéité des soulèvements prolétaires dans plusieurs pays peut sembler révélateur d’une lame de fond de contestation internationale du système capitaliste et sa gestion des différents territoires dans le processus de production. Des conflits créés par les contradictions même du capitalisme suscitent en permanence des luttes collectives et organisées contre les exploiteurs. Si le discours commun de dénonciation du fonctionnement des États et la revendication de plus de « démocratie », tend à nourrir fortement le réformisme comme proposition politique principale (le RIC en France, la Constituante au Chili, etc.). Ces mouvements ont néanmoins offert de vastes espaces à l’auto-organisation politique avec des pratiques radicales diffuses (pillages, autoréductions, défense physique des cortèges, etc.) qui apparaissent signifier une période au potentiel révolutionnaire.

Mutinerie dans une prison de Buenos Aires (Argentine) le 24 avril 2020, suite à l'annonce d'un cas de COVID-19 chez un maton.
Mutinerie dans une prison de Buenos Aires (Argentine) le 24 avril 2020, suite à l’annonce d’un cas de COVID-19 chez un maton.

Alors que les travailleurs du monde entier sont touchés par l’épidémie, ils sont contraints de penser des formes d’organisation et d’entraide nécessaires à leur survie tout en continuant de lutter contre l’exploitation qui s’accroît avec la crise. Cette contradiction permanente entre les moyens de notre propre survie et celle de la destruction du capitalisme n’est évidemment pas nouvelle mais le COVID par sa mortalité et la situation qu’il entraîne actuellement ont des conséquences sur la lutte des classes.

De la survie à la lutte

La solidarité est nécessaire à la survie, mais pour nous elle a besoin d’être organisée sur des bases de classe, connectée aux luttes qui émergent. Face à la gestion de la crise par les capitalistes entraînant isolement, appauvrissement et de nombreux morts, des groupes progressistes ou révolutionnaires dans différents pays ont réagi en se proposant d’organiser des maraudes, des distributions alimentaires, notamment à destination des plus pauvres et isolés. Nous ne devons pas nous satisfaire de cette proposition politique aussi sympathique soit-elle ! L’État et les bourgeois sont bien contents s’ils peuvent nous déléguer ce rôle de gestionnaires de la misère, pour eux, c’est tout bénef. Moins d’argent à investir pour maintenir un niveau de vie acceptable et en plus les révolutionnaires, pris par le travail sisyphien1 d’adoucir la misère générée par le capitalisme, ne sont plus occupés à diriger les coups vers ses responsables. Les exemples des squats vers lesquels les pouvoirs publics renvoient migrants et sans domiciles, sont légions. Cette dérive humanitaire est inévitable car pour la bourgeoisie c’est la seule manière acceptable de réduire les maux du capitalisme.

L’un des impacts les plus édifiants du confinement est la mise au chômage de millions de travailleurs. Ce qui entraîne une baisse immédiate du salaire global des prolétaires et à fortiori de nos conditions matérielles d’existence. Que notre travail soit légal ou non, qu’il soit protégé par un contrat ou pas, de nombreux travailleurs se retrouvent actuellement dans l’incapacité de taffer du fait du confinement. D’une part, une bonne partie des travailleurs, en particulier ceux de courte durée et clandestins, n’ont plus de salaires ou touchent seulement de maigres allocations de l’État. D’autre part, il n’y a pas de certitude que l’emploi qu’ils effectuaient avant existe encore au vu de la réorganisation du capitalisme qui s’annonce. Et s’ils retrouvent un travail après le confinement, la mise en concurrence avec tous les autres travailleurs risque d’être particulièrement violente, on peut s’attendre à une détérioration des conditions d’exploitation, toujours plus dégueulasses (hausse des cadences, plus grande flexibilité, baisse du salaire direct ou indirect, etc…). Plus largement c’est l’ensemble du prolétariat qui va voir ses garanties liées à l’emploi totalement chamboulées. Quand bien même actuellement certains ont encore la sécurité de leur emploi ou l’assurance de toucher une allocation chômage décente, la réalité est que nous allons nous retrouver dans des situations financières ingérables avec le risque de ne plus pouvoir payer nos charges (factures, crédits, loyer…). C’est donc la mise en péril de notre capacité à reproduire notre force de travail et en même temps de notre capacité à nous défendre au travail qui est en jeu actuellement.

Premières secousses

Cet appauvrissement généralisé des prolétaires pointe déjà le bout de son nez. Des réactions ont éclaté partout. Alors que l’objectif des bourgeois du monde entier est de maintenir leurs profits, l’inquiétude est montée d’un cran dans les rangs des travailleurs.

Mutinerie dans une prison de Buenos Aires (Argentine) le 24 avril 2020, suite à l’annonce d’un cas de COVID-19 chez un maton.

Les premières réactions massives ont eu lieu dans les prisons tout autour du monde, ces taules où une grande majorité de prols croupissent, souvent pour des crimes et des délits liés à leurs conditions de vie. Vols, deals, braquages, escroqueries sont les infractions qui remplissent en grande partie les prisons du monde entier de galériens cherchant à échapper à la misère ou au salariat par l’illégalité – sans fantasmer le monde des mafias et du crime organisé qui ne sont que l’envers du décor du salariat, sa version grossie et plus violente, qui se jette sur les populations les plus appauvries partout dans le monde. Les centres de rétentions, taules pour étrangers sans papiers, ont été particulièrement touchés, en France on peut par exemple citer des mouvements au Mesnil-Amelot, à Vincennes, à Oissel contraignant l’État à remettre en liberté de nombreux enfermés comme au CRA de Bordeaux qui a été entièrement vidé.2 Inquiétude d’une contamination rapide, taules surpeuplées, nouvelles privations et vexations imposées par les États (suspension des parloirs, des activités, notamment)… Pas étonnant que les révoltes se soient répandues comme une traînée de poudre de Téhéran à Caracas, de Rio à Vezin en passant par Rome.3

Dans de nombreuses régions connaissant de forts taux d’emplois informels, l’impossibilité de travailler et donc de générer des revenus a conduit à s’organiser pour se réapproprier collectivement de la bouffe directement à la source, supermarchés, magasins ou transports. Notre but n’est pas ici d’affirmer qu’une vague généralisée d’autoréductions s’organise au plan mondial, mais que des réappropriations ou tentatives de réappropriations prolétariennes ont pu être observées dans des endroits aussi divers qu’au Honduras, au Mozambique, au Mexique ou en Sicile. 4

Autre tendance du printemps chez les travailleurs du monde, un refus croissant de payer son loyer5 . De la Belgique aux USA, en passant par l’Italie ou la France, des campagnes pour organiser la grève des loyers apparaissent, répondant à la situation qui fait que de nombreux travailleurs subissent une perte brutale de revenu. Partout déjà face à la colère qui monte les gouvernants lâchent des miettes pour éviter que les prols prennent de telles mesures : distribution de bons alimentaires en Italie, de chèques de 1000$ par foyer aux USA, suspension des loyers du parc public de logements à Berlin, Barcelone ou Lisbonne, revenus pour les travailleurs non déclarés au Brésil6… L’objectif n’est de toute évidence pas de nous rendre la richesse que nous produisons chaque jour mais de nous garantir le minimum vital, défendre la propriété privée aujourd’hui et nous remettre au travail le plus vite possible. Dans les pays notamment en France où l’État assure encore quelques garanties sociales, le vernis met un peu plus longtemps à craquer, mais combien de temps encore alors que de nombreux travailleurs vont vite épuiser leurs maigres économies avec des revenus réduits à peau de chagrin ?

Avec les premières mesures de confinement et le nombre de morts qu’on voyait augmenter chaque jour aux infos, l’inquiétude et la colère sont montées dans les ateliers et les bureaux. Les travailleurs à qui on imposait peu à peu un confinement strict pour toutes les activités qui adoucissent habituellement notre quotidien – faire la teuf, (se) faire les magasins, aller au ciné, le match du samedi soir ou boire des bières dans un parc – se voyaient par contre obligés de continuer à aller se presser dans des usines ou des bureaux bondés, se serrer dans les transports matinaux pour produire les mêmes marchandises et services que d’habitude7, business as usual on vous dit.

Fièvre mondiale

Tout autour du monde, des travailleurs mettent en place des stratégies pour refuser le plan imposé par nos ennemis de classe. Continuer la production à tout prix au détriment de notre santé. On a pu voir des arrêts de travail, plus ou moins collectifs, prenant des formes différentes : droit de retrait, grèves, débrayages… Ces arrêts de travail adoptent trois grands types de revendications :
– l’aménagement du travail afin de pouvoir respecter les mesures dites de “distanciation sociale” et/ou la distribution de matériel de protection et d’hygiène pour continuer l’activité
– l’arrêt total de la production (ex : grève des métallos dans le nord de l’Italie)8
– des augmentations de salaire ou des primes liés au principe de “risque”.

Manifestation de travailleurs des usines du textiles à Dhaka (Bengladesh) le 15 avril 2020, pour le versement de leurs salaires.

Ces luttes qui surgissent selon des formes similaires autour du globe9 posent en acte quelques questions centrales pour l’organisation des prolétaires :

D’une part une faiblesse organisationnelle du prolétariat, face à une crise d’ampleur et à l’organisation des capitalistes pour y répondre, nous ne sommes pour le moment pas en mesure de poser un rapport de force nous permettant de prétendre à autre chose que le maintien de notre propre reproduction. En effet les revendications actuelles des travailleurs se comprennent comme une lutte pour notre survie, pour ne pas être contaminé ou au moins voir le risque et les efforts auxquels on consent compensés financièrement. En réclamant des primes, des masques de protection ou la fermeture momentanée de nos lieux de travail pour nous protéger nous et nos collègues, nous exprimons simplement une exigence de maintien de nos possibilités de reproduction. De la même manière qu’on fera grève pour demander une augmentation de salaire après des années à voir notre salaire réel diminuer à cause de l’inflation, on fait aujourd’hui grève pour garantir notre possibilité de retourner bosser demain.

D’autre part on voit apparaître de manière large chez les travailleurs une réflexion autour de la question de la production : Qui produit ? Qu’est ce qu’on produit ? Pourquoi ? Est-ce utile pour répondre à l’urgence sanitaire ? Si non pourquoi continue-on à la produire ? A travers ces questions, la situation que nous traversons, sème à l’échelle de la planète entière des petits cailloux sur les chemins de la conscience de classe. Parce que la question de la production est la question centrale qui structure la société, se rendre compte de notre capacité à penser et organiser la production de biens et de services est une étape importante pour reconstruire des perspectives révolutionnaires.

Pour certains, ce sera une première expérience de lutte, qui poussés par l’urgence de la situation adoptent des pratiques, de grève par exemple, qui avaient disparu dans de nombreuses entreprises. Le caractère mondial de la situation, à une époque où l’information circule aussi vite, permet de voir de manière très claire que les problématiques que nous posent notre condition de prolétaire sont mondiales. Voir des travailleurs refuser de travailler avec le risque d’être contaminés ou demander des garanties de protection face au virus donne forcément des idées, et s’ils le font à Bombay ou New York, pourquoi pas ici ? D’autant plus qu’on travaille parfois pour le même patron.

Partout déjà on peut voir les habituels gestionnaires de la colère sortir du bois et travailler main dans la main avec les patrons pour relancer la production10. Ainsi des négociations entre certains syndicats de PSA ont permis de commencer à organiser la relance de la production, pareil pour les métallos italiens que leurs syndicats ont poussé à retourner au travail avec à peine quelques garanties d’hygiène. Qui sait si demain on ne nous refera pas le coup du grand devoir prolétarien de relancer la production dans un pays sinistré ? Ce qui est sûr, c’est que les forces cogestionnaires sont à l’affût et vont sans doute travailler dur pour récupérer une partie de l’influence qui leur a été enlevée par l’État, en jouant la carotte de la responsabilité face à la crise et du bâton de la grève dans les quelques secteurs qu’ils contrôlent encore.

Face à une situation de crise et d’appauvrissement du prolétariat, de nombreuses luttes vont émerger. Comment intervenir dans les luttes de notre classe pour que les potentialités révolutionnaires se renforcent face à la gestion de l’État et l’encadrement syndical ? La question reste ouverte et il n’y a sans doute pas une seule bonne réponse, ce qui est sûr c’est que les prochains temps vont être déterminants.

Conclusion

Nous avons conscience que même après l’abolition des classes et la destruction du capitalisme, les virus continueront d’exister, les épidémies perdureront. La nature est par essence un environnement soumis à la dialectique où des forces s’affrontent pour y survivre. Il n’y a pas d’osmose ou d’équilibre, la « nature » est en perpétuel mouvement. Notre priorité sera alors de trouver les moyens pour tous de vivre au mieux et sans limite dans un monde déjà mis en ruine par le capital. Écrire du communisme de fiction ne nous intéresse pas, ce qui se pose à nous dès lors, c’est comment nous pouvons nous organiser face à cette situation inédite.

Nous n’avons rien à attendre de l’État. Notre lutte pour la destruction du capital est aussi une lutte pour la destruction de l’État qui ne sert que les intérêts du capitalisme. Il faut bien avoir à l’esprit que toutes les mesures qu’il prend sont pensées non pas pour le bien de la population mais pour maintenir au maximum les profits. Nous devons aussi refuser de proposer une meilleure gestion des crises, en bref de faire le travail de l’État et du capital. Aussi terrible que soit la situation sanitaire, penser « Comment pourrait on mieux faire ou quelles mesures devrait prendre l’État ? » est une double illusion : d’une part le mirage qu’il pourrait y avoir une meilleure gestion du capitalisme, d’autre part qu’en tant que prolétaires nous y aurions un quelconque poids.

Les limitations engendrées par le confinement et le risque immédiat pris pour aller bosser font apparaître la nécessité d’une résurgence du lieu de travail comme lieu de lutte, aussi parce qu’il est l’un des rares endroits où la socialisation est encore possible. Le confinement a comme effet direct d’isoler et d’enfermer ceux qui pourraient lutter ensemble en dehors des lieux d’exploitation. Avec la presque impossibilité de s’organiser matériellement ou physiquement, une bonne partie de l’activité politique s’est réduite à de l’organisation virtuelle. Nous devons nous adapter à ce que le capitalisme nous impose, peu importe la situation et permettre à la lutte d’y faire face. Même, dans une période aussi complexe et incertaine il nous faut prendre des initiatives pour qu’elle perdure.

L’originalité et le caractère extrême de la situation que nous vivons ont fait apparaître de nombreuses initiatives. La construction de réseaux locaux de solidarité, le recensement et la publicisation des luttes de travailleurs contraints d’aller travailler au risque d’être contaminé, l’impulsion et la coordination d’une grève des loyers nationale afin de permettre à notre classe de subvenir à ses besoins alors même qu’elle est privée de ressources et ce contre les intérêts rentiers des propriétaires.

Cette crise est mondiale et nous rappelle ce que nous savions déjà, le capitalisme l’est lui aussi. S’organiser pour recréer des liens entre travailleurs en lutte du monde entier apparaît comme une priorité pour faire émerger un mouvement révolutionnaire. Participer à la construction de réseaux trans-nationaux de discussion et d’organisation, à l’image de la plateforme Fever,11 est une étape dans la constitution de liens solides entre les révolutionnaires du monde entier. Mais ces initiatives ne sont intéressantes que si elles entrent en résonance entre elles et avec les luttes de notre classe.

Ce texte est le fruit de deux mois de réflexions collectives et confinées, fortes de nos expériences de luttes depuis plusieurs années, de discussions enflammées avec des camarades, de lectures jusqu’au bout de la nuit. Il nous a permis de nous poser des questions sur le monde dans lequel nous vivons et aspirons à renverser. Si nos positions participent au débat sur les perspectives révolutionnaires, elles ne prendront réellement sens que dans les rues illuminées de barricades, dans les usines occupées, autour d’un festin dans un centre-commercial pillé, et partout, où, ensemble, on partira à l’assaut du ciel.


1 En référence à Sisyphe, un roi de Corinthe dans la mythologie Grecque. Il fut condamné dans l’au delà à pousser chaque jour une pierre au sommet d’une montagne avant de la voir toujours retomber. Se dit d’un travail impossible et sans fin.

2 https://abaslescra.noblogs.org/des-revoltes-de-prisonniers-eclatent-dans-plusieurs-cra-suivi/

3 https://lenvolee.net/category/courrier-de-linterieur-des-prisons/ / https://mitarduconfinement.blog/?_sft_post_tag=prisons /  https://feverstruggle.net/fr/2020/04/26/luttes-et-revoltes-dans-les-prisons-grecques/

4 https://mitarduconfinement.blog/?_sft_post_tag=gestionsansdomiciles

5 https://asap.noblogs.org/post/2020/04/03/pas-de-quartier-pour-la-propriete-construisons-la-greve-des-loyers/

6 https://feverstruggle.net/fr/2020/04/12/bresil-entre-lisolement-et-la-panique-les-travailleurs-face-a-un-choix-impossible/

7 http://www.classeenlutte.org/category/pandemie-et-lutte-des-classes/travailleurs-sous-covid-interview/

8 https://www.ilcittadinomb.it/stories/Economia/coronavirus-metalmeccanici-in-sciopero-per-otto-ore-mercoledi-chiudete-le-azi_1346154_11/

9 https://feverstruggle.net/fr/2020/04/25/un-bref-resume-des-luttes-mondiales-durant-le-covid-19/  https://feverstruggle.net/fr/category/greves/ / http://www.classeenlutte.org/2020/03/26/cartographie-des-luttes-sous-covid/

10 https://www.medef.com/fr/communique-de-presse/article/declaration-commune-cfdt-cftc-medef-pour-le-maintien-ou-la-reprise-des-activites-economiques-dans-des-conditions-sanitaires-optimales

11 Nous contribuons avec des camarades à ce site international d’informations, de débats et d’échanges sur les luttes de classe sous covid. https://feverstruggle.net/fr


1. http://ddt21.noblogs.org/?page_id=2774

2. https://feverstruggle.net/fr/2020/05/04/corona-capital-1-crise-epidemique-et-crise-du-capital/

3. Les numéros sont lisible sur : http://jaune.noblogs.org


1 Revue Chuang : Contagion sociale Guerre de classe microbiologique en Chine (https://dndf.org/?p=18327)

2 Capitalist agriculture and Covid-19: A deadly combination – Rob Wallace (https://climateandcapitalism.com/2020/03/11/capitalist-agriculture-and-covid-19-a-deadly-combination/)

3 Affronter la science du capital, OPIC (https://kapitalsunset.noblogs.org/post/2020/03/30/partie-1-affronter-la-science-du-capital/)

4 Notes on a novel coronavirus – Rob Wallace (https://mronline.org/2020/01/29/notes-on-a-novel-coronavirus/)